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Le potentiel érotique des voyages (tant dans ma tête que dans ma vraie vie)
8 mars 2024

Mohamed MBOUGAR SARR

La plus secrète mémoire des hommes****

Voilà donc un roman merveilleux, 460 pages de prodigieuse intelligence. « Un étourdissement », disent les critiques. A juste titre. C’est une invitation à plonger dans un gouffre sans fond, à nager ou à être suspendu entre deux contes, entre deux amours, et à suivre la quête de l’Amour suprême, celui de la littérature.
L’histoire d’un jeune écrivain sénégalais à la recherche de TC Elimane, un écrivain célèbre en son temps, mystérieusement fascinant, et de son œuvre. Un écrivain dont l’auteur assume s’être inspiré d’une vraie existence, celle de Yambo Ouologuem, et de ce livre aussi mythique que maudit, Le devoir de violence. Un écrivain malien qui reçut le prix Renaudot en son temps, avant d’être accusé de plagiat et de sombrer dans l’oubli jusqu’à sa mort en pays Dogon, en 2017.

Mohamed Mbougar Sarr, dont j’avais lu le marquant « De purs hommes » en 2019, nous invite par une mise en abîme, à la recherche d’un écrivain qui (se) cherche lui-même. Ce ce que Mbougar Sarr restitue magnifiquement, c’est ce mystère dont Elimane est nimbé. Il fait appel à la mythologie, aux mythologies. Un côté icaresque, assurément, qui ne laisse pas indemnes tous ceux qui l’approchent, à commencer par lui-même. Peut-être un Minotaure aussi, dont l’architecte ne serait autre que l’auteur Mbougar Sarr. Un univers de contes africains, une ambiance de grands romans comme le Chaka, de Thomas Mofolo, le grand écrivain du Lesotho, ou le Regard du Roi, de Camara Laye : un univers à la fois doux et cruel, de dieux et de déesses, d’amour et d’amours, de feu, de sang et d’eau, d’éléments qui s’enchaînent et se déchaînent dans la plus secrète mémoire des hommes,  qui font de cet ouvrage un roman hors du temps, mais aussi ancré dans son temps, celui du colonialisme, du racisme. Et avec une surprenante résonnance très actuelle dans les dernières dizaines de pages, lorsqu’il décrit des révoltes populaires à Dakar et la manière dont le pouvoir y fait face.

D’Elimane, ce personnage prodigieusement mystérieux, on en sait tant et si peu, Mbougar Sarr nous laisse le vaste champ des possibles de nos imaginations, à commencer par celles sur son physique, dont on apprend assez peu (outre le fait qu’il soit « grand »). Un Icare certes, mais aussi un ange destructeur qui fait par exemple mourir tous ses critiques littéraires autant qu’il les attire. Bref, cette plongée dans ce puits sans fond ne m’a pas laissé indemne. Je suis resté et je reste encore bercé de tant de beautés, à commencer par de si beaux passages littéraires. Des passages à lire et à relire. Très conseillé, donc.

« J’entends quelquefois dire qu’il faut rester fidèle à l’enfant qu’on a été. C’est la plus vaine ou la plus funeste ambition qu’on puisse avoir au monde. Voilà un conseil que je ne donnerai jamais. L’enfant qu’on a été jettera toujours un regard déçu ou cruel sur ce qu’il est devenu adulte, même si cet adulte a réalisé son rêve. Cela ne signifie pas que l’âge adulte soit par nature damné ou truqué. Simplement, rien ne correspond jamais à un idéal ou un rêve d’enfance vécu dans sa candide intensité. Devenir adulte est toujours une infidélité qu’on fait à nos tendres années. Mais là réside toute la beauté de l’enfance : elle existe pour être trahie, et cette trahison est la naissance de la nostalgie, le seul sentiment qui permette, un jour peut-être, à l’extrémité de la vie, de retrouver la pureté de la jeunesse ».

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