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Le potentiel érotique des voyages (tant dans ma tête que dans ma vraie vie)

13 avril 2024

Maurice LEBLANC

L'agence Barnett et Compagnie**
Un recueil de nouvelles facétieuses, que je ne connaissais pas. Le détective Barnett aide l' inspecteur Béchoux à résoudre des énigmes en tout genre, criminelles ou pas. Barnett offre ses services, il ne demande pas d'argent (mais se sert au passage et Béchoux se retrouve souvent Gros-Jean comme devant). Un Arsène Lupin sous un autre nom. On y reconnaît la facétie, donc, la farce, l'humour. C'est amusant, parfois très drôle mais, in fine, un peu trop répétitif, calqué.
Recommandé pour les lupinistes inconditionnels seulement.
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13 avril 2024

Raozy PELLERIN

 
Bibiche***
 
Bibiche a 37 ans. Elle vient du Grand Congo, de Kinshasa. Bibiche était militante de l'UDPS, LE parti d'opposition historique, elle travaillait, à son niveau, à la conquête du pouvoir, peu avant la première élection de Tshisekedi fils, en 2011. Et puis Bibiche s'est retrouvée en prison, dont elle parvient à s'échapper et échoue illégalement en France. Là, Bibiche attend. Elle est dans cet entre-deux, réfugiée sans l'être encore, accueillie sans l'être. C'est ce clair-obscur que Raozy Pellerin restitue joliment, simplement. Elle donne toute son humanité à cet entre-deux, toute sa complexité, "ni tout à fait le même, ni tout à fait une autre" pour paraphraser Verlaine. La force de ce roman est de ne pas s'apitoyer, de ne pas commiserer, et de décrire, simplement, une vie de tous les jours, un quotidien malgré tout, avec ses joies, ses doutes, ses peines. Les cauchemars, la bureaucratie, les bienveillants, les autres. Elle en tire un portrait tout en douceurs malgré la rugosité du statut de Bibiche, elle nuance, évite de tomber dans le piège des méchants et des gentils. Un portrait si humain, si noble, une dignité redonnée à une femme simple dont le statut est si souvent réduit à une bête étiquette. Une belle lecture, que je recommande.
10 avril 2024

Georges SIMENON

 
La fuite de Monsieur Monde****
 
Monsieur Monde a 48 ans aujourd'hui. C'est son anniversaire. Il se lève le plus silencieusement possible, espérant que sa femme ne se réveille pas, et se faufile dans la salle de bains. Il prend son bain, se rase, sort de la salle de bains, regagne la chambre, toujours dans la pénombre; il ne voit pas les deux billes noires qui le fixent et se ferment lorsqu'il s'approche de Madame Monde. Il embrasse furtivement sa femme et part au travail. Elle ne lui a pas souhaité son anniversaire. A son travail non plus, même pas son plus vieil employé, celui du temps de son père, qui d'habitude est le seul à y penser. Le fils de Monsieur Monde est là aussi, ils ne se verront que plus tard. Le père l'embrassera alors sur le front, le fils aura ses yeux de biche et puis c'est tout.
 
Personne n'a pensé à lui, Monsieur Monde, 48 ans, grassouillet moustachu, fourbu et taciturne. Est-ce cela qui le pousse à partir ? On ne le saura pas. Nous savons qu'il part volontairement. Il ne disparaît pas, il fuit. Nous, lecteurs, n'avons pas à le rechercher, puisque nous le suivons. Il coupe ses moustaches et avec sa vie d'avant, prend un train pour Marseille et un pas mal d'argent (oh les beaux zeugmas !) et en route pour d'autres aventures. Il en a assez, Monsieur Monde. Assez de sa femme qui le hait, son fils qui ne l'aime pas. Alors il disparaît, son coeur a trop de rides.
 
Simenon n'a pas son pareil pour décrire ce genre d'histoire, décrire ce quotidien, aborder ce fantasme de la disparition du monde de Monsieur Monde. Le roman, écrit au sortir de la guerre, conserve toute sa pertinence, son actualité, même si l'on peut lire avec amusement la nature des interactions entre les différents protagonistes. Encore un petit bijou de Simenon, ce maître absolu de l'écriture, que je vénère.

 

10 avril 2024

Abir Mukherjee

 
Avec la permission de Gandhi**
 
J'ai retrouvé avec un grand plaisir les deux compères enquêteurs Sam Wyndham et Sat Banerjee, cette fois au coeur des manifestations pacifiques sous la houlette de Gandhi. En scène également, le terrible gaz moutarde, des communautés britanniques et anglo-indiennes, des meurtres assez horribles, le tout gravitant autour de la visite du Prince de Galles décrit ici sous un jour peu reluisant.
Même si ce roman-là est moins flamboyant que le magnifique "Princes de Sambalpur", son auteur réussit malgré tout la prouesse d'à nouveau rendre toute la complexité de la société de cette époque tout en maintenant un suspense qui m'a fait gagner mon lit chaque soir avec un immense plaisir (et sans cauchemar après). Recommandé !
10 mars 2024

Abir MUKHERJEE


Le soleil rouge de l’Assam***

 

J’avais découvert cet auteur il y a quelque temps, m’embarquant métaphoriquement pour un voyage dans une zone du monde et une période qui me sont assez méconnues (l’Inde sous la domination anglaise, au début du XXe siècle) et j’avais beaucoup aimé (l’attaque du Calcutta-Darjeeling). C’est donc plein de confiance que je me suis lancé dans la lecture du soleil rouge de l’Assam. J’ai retrouvé avec grand plaisir les personnages enquêteurs, et cette plongée fascinante dans l’Inde des années 20, mais aussi dans le Londres du début de siècle, peu reluisant. Mukherjee possède, comme son confrère islandais Indridason, cette capacité à faire oublier le(s) meurtre(s), qui ne sont que des prétextes pour nous raconter une histoire, un pays, une société, des mœurs, dans toute leur complexité de classes sociales et avec une grande finesse. Les enquêteurs sont tout aussi attachants que les protagonistes sur lesquels ils enquêtent sont repoussants de racisme et d’antisémitisme. Le tout est baigné dans la description de magnifiques paysages, et cette fascinante remontée vers la guérison d’opiomanes qui viennent dans un ashram de l’Assam pour tenter une rédemption (cela a constitué pour moi l’un des fils conducteurs). Quelques scènes prodigieuses, entre deux potions et trois transpirations, où l’on en vient presque à ressentir toutes les émotions, toutes les odeurs, les goûts ; une scène, aussi, sidérante, de ces oiseaux qui se suicident.

 

Très recommandé, donc !

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10 mars 2024

Clément PANSAERS


Apologie de la paresse*

Ce tout petit opus est assez déroutant. Pansaers, artiste belge décrit comme polyvalent (peintre, sculpteur, poète, etc) a vécu au tournant du siècle (XIX-XX) et est présenté, à tort paraît-il, comme un représentant du dadaïsme en Belgique. A tort, bien dommage, parce qu’en tout cas l’essai est assez abscons tout en étant foisonnant et riche, inventif (le dadaïsme, quoi). Contrairement à ce que le titre pourrait laisser à penser, la paresse n’est pas le thème principal de l’ouvrage mais le terme apparaît régulièrement, un peu comme le refrain d’un texte à psalmodier. C’est un peu l’impression que cela m’a fait, il faut lire à voix haute, psalmodier, donc, pour en trouver une musique, à défaut d’y trouver du sens.

Pour les curieux.

10 mars 2024

Ragnar JONASSON

La dame de Reykjavik 0

J’ai voulu aller voir du côté des marketeurs qui vendent du rêve boréal, du polar glacé, islandais ; faudrait croire qu’il y a une appétence toute particulière à faire du polar islandais un endémisme. Des auteurs semblent y croire, parmi ceux qui grenouillent autour d’Indridasson. Aucun souvenir de comment ce bouquin m’est arrivé entre les mains, j’espère que je ne l’ai pas payé au prix fort. En tout cas, mal m’en a pris. Je suis ressorti de ce livre aussi épuisé que sa commissaire qui, page après page, semble constamment au bout de sa vie, de ses émotions plus paroxystiques les unes que les autres, et ce dans un gloubi-boulga indigeste, on ne sait plus vraiment dans quoi on patauge, quel message l’auteur veut nous faire passer. Tous les clichés sont là, l’inspectrice proche de la retraite, tourmentée par le passé et qui a des mauvaises relations avec ses collègues. On ajoute du politiquement correct en faisant de l’enquêteur une enquêtrice mais cela enfonce encore plus le roman. Et en plus, il paraît qu’il s’agit d’une trilogie. Sans moi. Alors, prenez votre courage à deux mains : fuyez !

8 mars 2024

Mohamed MBOUGAR SARR

La plus secrète mémoire des hommes****

Voilà donc un roman merveilleux, 460 pages de prodigieuse intelligence. « Un étourdissement », disent les critiques. A juste titre. C’est une invitation à plonger dans un gouffre sans fond, à nager ou à être suspendu entre deux contes, entre deux amours, et à suivre la quête de l’Amour suprême, celui de la littérature.
L’histoire d’un jeune écrivain sénégalais à la recherche de TC Elimane, un écrivain célèbre en son temps, mystérieusement fascinant, et de son œuvre. Un écrivain dont l’auteur assume s’être inspiré d’une vraie existence, celle de Yambo Ouologuem, et de ce livre aussi mythique que maudit, Le devoir de violence. Un écrivain malien qui reçut le prix Renaudot en son temps, avant d’être accusé de plagiat et de sombrer dans l’oubli jusqu’à sa mort en pays Dogon, en 2017.

Mohamed Mbougar Sarr, dont j’avais lu le marquant « De purs hommes » en 2019, nous invite par une mise en abîme, à la recherche d’un écrivain qui (se) cherche lui-même. Ce ce que Mbougar Sarr restitue magnifiquement, c’est ce mystère dont Elimane est nimbé. Il fait appel à la mythologie, aux mythologies. Un côté icaresque, assurément, qui ne laisse pas indemnes tous ceux qui l’approchent, à commencer par lui-même. Peut-être un Minotaure aussi, dont l’architecte ne serait autre que l’auteur Mbougar Sarr. Un univers de contes africains, une ambiance de grands romans comme le Chaka, de Thomas Mofolo, le grand écrivain du Lesotho, ou le Regard du Roi, de Camara Laye : un univers à la fois doux et cruel, de dieux et de déesses, d’amour et d’amours, de feu, de sang et d’eau, d’éléments qui s’enchaînent et se déchaînent dans la plus secrète mémoire des hommes,  qui font de cet ouvrage un roman hors du temps, mais aussi ancré dans son temps, celui du colonialisme, du racisme. Et avec une surprenante résonnance très actuelle dans les dernières dizaines de pages, lorsqu’il décrit des révoltes populaires à Dakar et la manière dont le pouvoir y fait face.

D’Elimane, ce personnage prodigieusement mystérieux, on en sait tant et si peu, Mbougar Sarr nous laisse le vaste champ des possibles de nos imaginations, à commencer par celles sur son physique, dont on apprend assez peu (outre le fait qu’il soit « grand »). Un Icare certes, mais aussi un ange destructeur qui fait par exemple mourir tous ses critiques littéraires autant qu’il les attire. Bref, cette plongée dans ce puits sans fond ne m’a pas laissé indemne. Je suis resté et je reste encore bercé de tant de beautés, à commencer par de si beaux passages littéraires. Des passages à lire et à relire. Très conseillé, donc.

« J’entends quelquefois dire qu’il faut rester fidèle à l’enfant qu’on a été. C’est la plus vaine ou la plus funeste ambition qu’on puisse avoir au monde. Voilà un conseil que je ne donnerai jamais. L’enfant qu’on a été jettera toujours un regard déçu ou cruel sur ce qu’il est devenu adulte, même si cet adulte a réalisé son rêve. Cela ne signifie pas que l’âge adulte soit par nature damné ou truqué. Simplement, rien ne correspond jamais à un idéal ou un rêve d’enfance vécu dans sa candide intensité. Devenir adulte est toujours une infidélité qu’on fait à nos tendres années. Mais là réside toute la beauté de l’enfance : elle existe pour être trahie, et cette trahison est la naissance de la nostalgie, le seul sentiment qui permette, un jour peut-être, à l’extrémité de la vie, de retrouver la pureté de la jeunesse ».

8 mars 2024

Edgar HILSENRATH

Orgasme à Moscou**

 

Je ne connaissais pas cette auteur allemand, Juif ayant été déporté dans un gettho ukrainien pendant la guerre, avant que lui et toute sa famille n’émigrent aux Etats-Unis après un passage par la Palestine. Le livre qui le rend célèbre est Le Juif et le Barbier, satire sur les juifs et les SS, écrit en 1974. Il rentre en Allemagne en 1975, se remet dans le bain linguistique et pond cet ouvrage en 1979, Orgasme à Moscou.

 

Orgasme à Moscou, ou l’histoire d’Anna-Maria, Américaine, fille du grand maffieux Pepperoni qui, lors d’un voyage à Moscou connaît son premier orgasme. Son père, qui ne veut que le bonheur de sa fille, se met en tête, en pleine guerre froide, de faire venir par tous les moyens outre-Atlantique l’auteur de l’orgasme. C’est cochon, c’est grotesque, c’est « incorrect ». On sourit beaucoup au début (les passages du kidnappeur castré sont assez drôles (sic)), et puis ça s’essouffle à mi-parcours. J’ai tout de même envie d’en lire un autre ; je ne sais pas si vous avez des conseils et si vous connaissiez cet auteur.

 

Ce n’est pas une lecture fatigante, qui demande une grande attention…

23 février 2024

Pascale ROBERT-DIARD

La petite menteuse**
Je connaissais Pascale Robert-Diard en chroniqueuse judiciaire du Monde. Un style inimitable, reconnaissable dès les premières lignes où l’on se dit, chouette, elle va nous restituer l’audience d’une main de maître. Ça marche à chaque fois !
Puis « La déposition », sur l’affaire Agnelet. Magnifique.
Elle s’essaie ici à la fiction avec « la petite menteuse ». Une avocate qui accepte de défendre une jeune fille qui a été violée, avant de comprendre qu’elle a menti. L’engrenage qui a mené au mensonge. La présomption d’innocence. La lutte de l’avocate face à son collègue homme. La presse. Le prétoire. Tous les ingrédients sont là, ça se lit bien, c’est efficace mais peut être la fiction n’apporte pas une grande plus-value.
Tout de même : à lire.
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