Sainte famille***

Voilà donc un auteur peu connu et c'est fort dommage. Un Bordelais jamais vraiment accepté dans les cercles parisiens et qui est plus ou moins passé aux oubliettes. Assez prolifique, pourtant. Sainte Famille est sorti en 2009, de nombreuses années après la mort de l'auteur en 1982. Écrit dans les années 60, il est tout aussi délicieusement daté qu'il dépeint méchamment une famille bourgeoise bordelaise. Claude Chabrol aurait très bien pu en faire un film. M et Mme Malinier vivent un joli appartement avec leurs deux fils qui ne s'entendent pas, et la cadette Marie-Jeanne. Tous s'ennuient un peu et vont être bousculés dans leur quotidien par un escroc de première classe, une sorte d'Arsène Lupin du langage, prompt à brillamment entourlouper la famille et à s'installer chez elle. Curieusement, la description de la beauté du jeune homme et le coup de théâtre final m'ont fait penser à cette récurrence de l'image dans les romans de Nothomb.

Quoi qu'il en soit, si vous avez envie de sourire, de rire, et de vous replonger dans les années 60, c'est certes un peu désuet mais on ne s'y ennuie pas du tout. Un petit extrait, Monsieur Malinier décrivant à son fils la triste et engoncée Madame Malinier (sa femme, donc) : "Non, vois-tu, ce qui domine chez ta mère, c'est la vanité. Elle se veut de son milieu, elle n'en démordra pas, et ce qui caractérise les femmes de son milieu, c'est leur manque d'attrait. La coquetterie, c'est bon pour les entretenues. Peut-être l'ignores-tu mais ta mère a des cheveux admirables : ondulés... souples... odorants. Eh bien, vois ce qu'elle en fait : deux boudins serrés et luisants comme des crottes et bardés de tant d'épingles que par temps d'orage j'en tremble pour elle. Avant de te marier, méfie-toi, fiston. Méfie-toi des femmes trop bien. Méfie-toi des enquiquineuses".

Jean FORTON

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