Femmes blafardes***

Pierre Siniac, auteur qui eût son heure de gloire dans les décennies 70 et 80, mort au début des années 2000 dans d'incroyables conditions (lisez la nécrologie de Libé).

Siniac a écrit une quarantaine de polars, dont Femmes blafardes, son plus connu. Ne vous attardez pas sur le titre, un peu rebutant. On retrouve dans ce bouquin tous les ingrédients pour un bon polar classique, toutes les bonnes ficelles. Une atmosphère prodigieusement chabrolienne et simenonnienne pour son ambiance "petite bourgeoisie de province". Et pourtant, quelque chose cloche par rapport au déroulé du polar classique. La langue, d'abord, très riche, très inventive. Et le récit est drôle, très drôle. Les trouvailles au sujet des patronymes des personnages sont formidables (il paraît que Siniac se contentait de piocher dans le bottin). Je me suis pris plusieurs fois à rire aux éclats. Et puis, les 40 dernières pages sont absolument géniales dans leur enchevêtrement de liens de causes à effets, jusqu'à l 'absurde, complètement absurde et pourtant implacablement logique. Logiquement absurde en fait.

Dans tout ce fatras, on retrouve en creux (mais quel creux) cette critique férocement drôle de la société "de province", ces notables préoccupés par leurs boursouflures, les petites gens qui n'en font qu'à leur tête, ce mélange, comme je l'ai dit, de Simenon ou de Chabrol, mais aussi Dürrenmatt (la visite de la vieille dame), Flaubert (Bouvard et Pécuchet). Et curieusement même, au film de Dumont, ma Loute. Avec ce fond commun de la mauvaise cohabitation des classes sociales.

Bref, une réussite, qui m'encourage à lire d'autres polars de cet auteur.

Pierre SINIAC

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